Les sources de protéines conventionnelles (soja, colza, farines de poissons) coûtent toujours plus cher, leur disponibilité est incertaine… Dans ce contexte, les farines d’insectes se placent au rang des alternatives les plus crédibles. Mais ces nouveaux produits intégreront-ils massivement les formules d’aliments ? Éléments de réponse proposés par Philippe Schmidely, d’AgroParisTech, lors des débats Vigie matières premières (Céréopa), organisés à Paris au mois de décembre 2014.

« On ne compte pas moins de 1 900 espèces d’insectes comestibles », explique en introduction Philippe Schmidely, directeur de l’UFR nutrition animale, qualité des produits, bien-être animal à AgroParisTech.
L’idée de nourrir les hommes avec des insectes a fait son chemin, portée par une importante couverture médiatique autour de nouvelles habitudes alimentaires « tendance ». En alimentation animale aussi, le potentiel des insectes paraît énorme à l’échelle mondiale. La FAO (organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) qui tenait, il y a quelques mois, sa première conférence internationale dédiée aux « insectes pour nourrir le monde », en collaboration avec l’université de Wageningen (Pays-Bas), mise clairement sur l’entomophagie (consommation d’insectes) pour répondre au défi des 9 milliards de personnes à nourrir en 2050.
Mouches et vers
« Consommer des insectes, ou nourrir les animaux grâce aux insectes, n’est pas un concept nouveau dans un certain nombre de régions du monde. En Afrique, en Australie, en Asie, on mange couramment des scarabées, des chenilles, des guêpes, des fourmis, des sauterelles, des crickets, des cigales, des mouches… On ne compte pas moins de 1 900 espèces d’insectes comestibles, explique en introduction Philippe Schmidely, directeur de l’UFR nutrition animale, qualité des produits, bien-être animal à AgroParisTech. Seuls quelques élus répondent aux contraintes imposées par la nutrition animale. Les insectes sélectionnés ne doivent pas avoir de comportements cannibales, ni être trop invasifs, tout en présentant un taux de protéine suffisamment stable. » Trois espèces se démarquent alors : la mouche domestique commune, la mouche soldat noire et le ténébrion meunier (vers de farine).
En attendant l’élevage d’insectes à grande échelle
Concernant le mode d’élevage des insectes, Philippe Schmidely décrit plusieurs situations : « On peut envisager une production semi-artisanale, avec un rendement matière sèche/ha peu élevé. En sortie d’un élevage porcin ou de volailles, par exemple, on sépare les phases liquide et solide du lisier. La phase solide est inoculée avec des larves vivantes ». On voit par ailleurs se développer des projets de grande envergure dans plusieurs pays d’Europe. « Il s’agit, dans la plupart des cas, de concevoir des bioraffineries d’insectes. On utilise, par exemple, les coproduits de brasserie et d’éthanolerie comme substrat, pour produire en quantité industrielle et à faible coût. » Pour l’heure, seules des stations d’essais, des usines et des élevages pilotes fonctionnent en Europe, souvent mis sur pied par des entreprises privées (Ynsect en France, Protix aux Pays-Bas, Bioflytech en Espagne, Millibeter en Belgique, etc.). Mais, à terme, chaque unité de production pourrait produire plusieurs milliers de tonnes d’insectes chaque année.
Qualités nutritionnelles

À partir du moment où ils sont transformés en farines, les insectes entrent dans la catégorie des protéines animales transformées (PAT). Copyright Ynsect
Le principal atout de la farine d’insectes est son taux de protéines élevé. Les auteurs de l’article scientifique de référence sur le sujet (Harinder P. S. Makkar, Gilles Tran, Valérie Heuzé, Philippe Ankers, 2014. State-of-the art on use of insects as animal feed) notent que le taux de protéine brute de la farine d’insectes varie entre 42 et 63 % (en fonction de l’espèce, du stade de développement et du substrat d’élevage), ce qui correspond peu ou prou aux taux rencontrés avec les tourteaux de soja, mais qui est légèrement inférieur aux standards de la farine de poisson. « Certaines farines d’insectes contiennent jusqu’à 40 % de matières grasses (extrait éthéré), que l’on pourrait isoler pour d’autres utilisations, telles que le biodiesel. La farine d’insectes débarrassée de son huile présenterait des taux de protéine supérieurs à toutes les autres sources conventionnelles », ajoute le scientifique. Du côté des acides aminés, les farines d’insectes contiennent des quantités de lysine et de méthionine globalement équivalentes à celles du tourteau de soja, mais semblent en revanche limitantes en cystéine et tryptophane. On ne rencontre pas de problème particulier en matière de palatabilité et de digestibilité. « D’un point de vue nutritionnel, l’incorporation de farines d’insectes peut monter jusqu’à 40 % dans l’aliment aquacole et 30 % dans l’aliment volaille. Au-delà, on constate des baisses de performances principalement liées à la perte d’appétit. Pour le porc, en revanche, les données disponibles ne permettent pas d’établir de recommandations précises. »
Malgré de solides atouts nutritionnels et environnementaux (l’élevage d’insectes est très économe en terres arables, en aliments, en eau, en transport…), certains freins ralentissent le déploiement et la généralisation des farines d’insectes en alimentation animale.
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O. W.
Retrouvez l'intégralité de l'article dans la RAA 683 janvier-février 2015
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