Pour sa 31e édition, le grand rendez-vous annuel d’Alltech rassemblait, du 17 au 20 mai, le symposium professionnel et les événements laitier et bovin viande destinés aux éleveurs. C’est donc plus de 3 200 personnes, éleveurs, industriels et chercheurs, venus de 68 pays, qui se sont réunis pendant 4 jours à Lexington dans le Kentucky, aux États-Unis, terre natale de la société Alltech.
![Pearse Lyons, fondateur et président d’Alltech, a remis au général Colin Powell, la médaille d’excellence d’Alltech.]()
Pearse Lyons, fondateur et président d’Alltech, a remis au général Colin Powell, la médaille d’excellence d’Alltech.
Pour l’ouverture du 31e symposium Alltech, Pearse Lyons, fondateur et président d’Alltech, a invité à la tribune le général Colin Powell. « C’est le plus rebelle d’entre nous », a-t-il affirmé en accueillant le général de l’armée américaine désormais retraité et retiré de la diplomatie mondial après avoir été chef d’état-major des armées et secrétaire d’État sous les présidences de George W. Bush et Bill Clinton. Colin Powell a axé sa conférence, émaillée de souvenirs de sa carrière militaire et politique, sur le leadership : « Pour moi, le leader est celui qui inspire les gens et leur donne les moyens d’atteindre leurs objectifs, a-t-il expliqué. J’ai toujours considéré que mes troupes puis mes équipes devaient avoir confiance en moi et comprendre ce que j’attendais d’eux. Cela suppose de faire attention à ses collaborateurs, tous ses collaborateurs, par des attentions qui peuvent paraître insignifiantes mais sont lourdes de sens, une prime certes, mais aussi parfois un mot, une remarque, etc., et d’investir dans leur formation. Vous pouvez être sûr que vous avez gagné la confiance de vos équipes quand ils vous suivent seulement par curiosité : c’est qu’ils vous croient et que vous êtes un bon leader. Ils ont confiance en vous et vous pouvez avoir confiance en eux. » « La prudence ne mène à rien, a conclu Pearse Lyons. Seuls les courageux sont rebelles. »
« Ne jamais dire jamais »
![Il suffit de 0,5 ml d’algue originelle pour produire 20 t de produit constitué d’algues et leur support de fermentation.]()
Il suffit de 0,5 ml d’algue originelle pour produire 20 t de produit constitué d’algues et leur support de fermentation.
En 35 ans, Pearse Lyons a fait d’Alltech un empire, classé dans les dix premières compagnies mondiales dans le domaine de la santé animale qui emploie 3 500 personnes dans le monde, possède 48 unités industrielles, est actif dans 128 pays et réalise un chiffre d’affaires d’un milliard de dollars.
Il a dû lui falloir une certaine dose de courage pour reprendre en 2011 une unité de production d’algues par fermentation, installée à une trentaine de kilomètres du siège, dans le Kentucky à Winchester. « Il existait 2 usines d’algues dans le monde et l’une à 30 km se trouvait sur le point de fermer, rappelle-t-il. Le marché mondial des algues est de 525 milliards. Rien qu’en nutrition animale, il est de 50 milliards de dollars. Laisser cette usine fermer était un crève-cœur. » Alltech a donc investi 18 millions de dollars dans cet outil industriel en y développant notamment une technique spécifique de multiplication des algues selon un procédé hétérotrophique, beaucoup moins gourmand en matière organique. « En 14 jours, à partir d’un échantillon originel congelé de 0,5 ml d’une algue, brune ou verte, nous pouvons produire 20 t d’extraits secs d’algues », expliquent les deux techniciens en charge de faire visiter l’usine aux séminaristes. Le type et la provenance de l’algue originelle demeurent top secret, protégés par un brevet. Dans les énormes fermenteurs les centaines de milliers de litres de milieux nutritifs où se développent les algues bouillonnent sous l’effet d’un agitateur mécanique ou d’injections d’oxygène, selon les deux procédés opérationnels sur le site de Winchester. Après une déshydratation par vaporisation, la poudre d’algues est destinée à l’industrie de l’alimentation animale et incorporée dans les différentes solutions nutritionnelles élaborées par Alltech. « Elle est particulièrement riche en DHA, cet acide docosahexanoïque, acide gras de la famille des oméga-3, essentiel à l’organisme humain mais qu’il ne peut synthétiser, explique Nikki Putnam, diététicienne chez Alltech. Cet acide gras que les ruminants peuvent exporter dans le lait, est une prometteuse source potentielle de valeur ajoutée pour ce dernier. »
Pour Pearse Lyons, « ne jamais dire jamais » s’est traduit très concrètement en 2008 dans la construction d’un centre de recherche dédié à la nutrigénomique, accolé au siège social situé à Lexington. Dans un vaste laboratoire, une équipe de 30 chercheurs y étudie très concrètement l’effet des nutriments sur l’expression des gènes. « Nous alimentons des animaux à la génétique strictement identique par des régimes différenciés, explique le chercheur qui accueille les visiteurs. Puis nous prélevons des tissus et nous observons l’expression des gènes sur des puces à ADN. Le résultat est lu par un scanner qui établit une cartographie colorée sur laquelle nous observons les différences de transcription de l’ARN selon le régime alimentaire. C’est une technologie extrêmement sophistiquée et coûteuse qui permet d’observer avec précision l’effet des nutriments sur les animaux. » Une recherche de pointe dans laquelle Alltech a pris une longueur d’avance. « Il faut être visionnaire dans nos métiers », est persuadé Pearse Lyons.
Objectif Chine
![Alltech et 13 autres partenaires se sont associés avec Nestlé pour créer le Dairy Farming Institute (DFI, Institut de production laitière) en Chine.]()
Alltech et 13 autres partenaires se sont associés avec Nestlé pour créer le Dairy Farming Institute (DFI, Institut de production laitière) en Chine.
Son fils, Mark Lyons, vice-président et responsable du marché chinois, suit les traces de son père. « Pour bien comprendre les marchés de demain, il faut y être présent tôt. » Après plus de vingt années de présence en Chine, Alltech vient d’y ouvrir, en octobre dernier et en association avec Nestlé et 13 autres partenaires, le Dairy Farming Institute (DFI, Institut de production laitière) à Shuangcheng dans la province de Heilongjiang dans le nord-est de la Chine. L’enjeu est d’apporter une aide technique aux fermiers chinois afin de leur permettre de produire du lait localement. « La Chine, pays producteur de produits à bas prix pour le reste du monde c’est déjà fini, estime Mark Lyons. Entre 2008 et 2013 : le coût du travail y a crû de 62 %, les matières premières de 70 %, le prix du diesel a augmenté de 45 %. Le gouvernement chinois a même désormais des objectifs d’économie énergétique et s’engage dans une révolution verte ! Aujourd’hui, la Chine est avant tout une banque et représente des perspectives de marchés gigantesques. Collaborer avec ce pays est une manière de pouvoir y être influent. Aujourd’hui, les Chinois ont besoin de technologie pour passer d’un système de production à forte main-d’œuvre à un système de production à forte technologie. Le coût de production du lait chinois demeure 50 % supérieur au coût de production des éleveurs néo-zélandais de Fonterra. L’institut DFI est un moyen d’être présent sur le marché chinois et de continuer d’y croître. » Alors qu’Alltech recevait le monde entier à son séminaire, le premier ministre chinois Li Kequang visitait une ferme en Irlande le 17 mai dernier…
Meredith T. Niles, assistante à la Harvard Business School, commente cette installation en Chine : « Nestlé était implanté en Chine dans le Heilongjiang depuis plusieurs années quand est survenu le scandale du lait infantile contaminé à la mélamine en 2008. Nestlé travaillait alors avec 24 000 producteurs et avait mis en place 78 points de collecte organisés en district afin de collecter 5 000 l/j dont 68 % provenaient directement des producteurs. La société réalisait une activité de 200 millions de $/an. L’entreprise n’était pas directement concernée par le lait frelaté mais en a subi les conséquences. En 2008, la mélamine utilisée comme agent colorant, a été retrouvé dans le lait entraînant le décès de dizaine de milliers de nourrissons, cette substance a pour effet d’augmenter le taux de protéine du lait tout en passant inaperçu aux contrôles qualité. » Cette crise a changé toute la structure de la production et considérablement augmenté les importations de lait et produits laitiers en Chine, notamment en provenance de Nouvelle-Zélande. Le schéma qui se mit alors en place en Chine était de supprimer les petites structures et d’intégrer les plus grosses fermes. « Cette solution ne satisfaisait pas Nestlé qui s’était alors engagé auprès de ses producteurs. Mais ceux-ci, souvent éleveurs par défaut par manque d’alternative, n’atteignaient pas un niveau de production suffisant pour en tirer un revenu leur permettant d’investir. Ils pouvaient être tentés d’additionner de l’eau à leur lait pour augmenter leur quantité. C’est ainsi que Nestlé a investi dans l’institut DFI, en partenariat avec 15 sociétés, dont Alltech pour la partie nutrition, afin de professionnaliser ses éleveurs. C’est un modèle de développement très intéressant car particulièrement adapté à la problématique locale. Il pourrait se décliner dans d’autres pays ou vers d’autres productions », conclut la chercheuse. Alors que le symposium battait son plein, le 19 mai, à l’occasion du salon des productions animales de Chongquing, en Chine, Alltech et quatre autres sociétés (Big Dutchman, Betco, Pic et Pipestone), ont signé un accord les engageant à développer une ferme porcine expérimentale, qui accueillera 5 000 truies dans deux ans à Shuyang, dans la province du Jiangsu. « Le but de cette ferme modèle en production est de prouver que produire 30 porcelets/truies/an est un objectif possible pour les producteurs locaux », explique Mark Lyons.
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Françoise Foucher
Retrouvez l'intégralité de l'article dans la RAA 687 juin 2015
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